Vous avez déjà essayé de soutenir le regard d’une chèvre ? De jouer à « qui est-ce qui clignera le premier » ? Si vous oubliez ces yeux revolver, elles sont assez attachantes !
Vous faire un compte rendu exhaustif de ma rencontre avec Yoan m’est impossible. Il est très volubile lorsqu’il s’agit de parler de son travail. C’est à croire qu’il l’aime, ce travail ! J’ai retenu les informations qui me semblaient les plus intéressantes et pertinentes à vous partager :
– Les fromages et yaourts qu’il fabrique, avec sa compagne et un troisième associé, ne bénéficient pas encore du label AB (autant commencer par ce qui pourrait fâcher), pour une cause très simple : les terres qu’ils possèdent sont encore trop pauvres (anciennes vignes) pour qu’ils puissent produire leurs céréales, apport en protéines indispensable aux chèvres en période de lactation. Le prix du mais, orge, soja et colza certifiés bio est pour le moins prohibitif et pourrait remettre en cause l’équilibre économique de cette ferme encore récente. Jusqu’à maintenant, ils les achètent donc en agriculture raisonnée (afin d’éviter le soja et maïs OGM d’importation). Ils étudient cette année un plan économique pour amortir le surcoût de l’achat de ces céréales en bio. L’obtention du label est peut-être pour bientôt !
– En dehors de cette épineuse question des céréales, j’ai écouté avec grand enthousiasme Yoan me parler de leurs pratiques d’élevage et de production : soins préventifs et curatifs des chèvres à base d’huiles essentielles en priorité ; en cas d’épidémie (comme la grippe cette année) ils relaient les traitements médicamenteux en ultime recours, préférant accompagner leurs chèvres à traverser l’affection pour développer leurs résistances ; sélection des chevrettes d’année en année pour composer un cheptel en adéquation avec leur terroir et leurs pratiques ; rotation des pâtures savamment orchestrée pour prévenir le risque d’infection parasitaire (sur un roulement de 8 à 10 semaines, chaque jour les chèvres changent de pâture) ; production de leur propre foin pour supporter la période hivernale et la sécheresse estivale ; traitement des eaux usées de la fromagerie par phytoépuration (roseaux) ; sélection et conservation des ferments lactiques d’une année à l’autre pour développer l’unicité de goûts de leurs produits (Yoan me dit « Un fromage, c’est du lait, de la présure -pour le caillage-, et des ferments lactiques -flore bactérienne présente dans le lait et sur les mamelles des chèvres ») ; activités pédagogiques régulières avec les enfants des écoles primaires du coin …
– La sensation que je garde, c’est celle d’un investissement et d’une considération pour la qualité de leurs produits, pour le terroir sur lequel ils sont installés et le vivant qui y cohabite (je n’ai pas réussi à photographier la chouette qui niche sous le toit de la cave …). Et considération évidente pour le bien-être de leurs chèvres. Reste sur ce point la délicate question des chevreaux naissants chaque année et qui ne sont pas sélectionnés pour renouveler le troupeau. Ils sont vendus à d’autres éleveurs de la région, avec la finalité d’un abattage pour leur viande. Tuer un animal est une question qui me pose encore un dilemme moral, et elle me paraît indissociable de la chaîne de production de fromages (ne serait-ce que pour récupérer la présure nécessaire au caillage du lait, dans l’estomac de jeunes chevreaux). La discussion est ouverte entre moi et moi ! Mon avis n’est pas arrêté. Cela me semblait important de vous écrire quelques lignes à ce sujet, pour nourrir la discussion avec vous-même 🙂
Je vous le rappellerai dans un autre article : j’attends vos contrats et chèques pour, au plus tard, le 19 février.
Aah ! Et la chienne s’appelle Muscat, ou Mousskatt en catalan 🙂
Amicalement.
Guillaume.